Hommage à Jean-Luc Vertongen (1939 – 2015)
Jean-Luc Vertongen, bien connu des anciens de la SOBEPS, nous a quittés le samedi 12 décembre 2015.
Collaborateur de la première heure, Jean-Luc a toujours fait une forte impression auprès de ceux et celles qui ont participé à l’aventure de la SOBEPS, qui n’oublieront pas son dévouement, son énergie débordante, ni son caractère trempé et son franc-parler. « Rigueur et humour, scepticisme et enthousiasme, rationalisme et mysticisme. Un mélange détonnant ! », ainsi que le dépeint Léon Brenig dans un récent message. Il est vrai que ceci s’applique à merveille au vieux compagnon de route qu’était Jean-Luc.
La plupart se souviendront de lui comme responsable du réseau des enquêteurs de la SOBEPS, une tâche qu’il avait de façon toute informelle prise à bras le corps dans les premiers temps qui avaient suivi la création de l’association*. Avec Michel Bougard (son président de 1976 à fin 2007), il mit au point le Guide de l’Enquêteur, un manuel de 40 pages présenté pour la première fois dans le numéro 11 de la revue Inforespace (1973), qui servira longtemps de modèle à plusieurs groupements ufologiques. À partir de 1977, le nombre d’observations se réduisant de manière significative, le réseau des enquêteurs se désagrégea peu à peu. Jean-Luc démissionna une première fois en 1981. Huit années plus tard, dès le lendemain de l’annonce d’événements singuliers du côté d’Eupen, en date du 29 novembre 1989, Lucien Clerebaut rappela l’ancien responsable des enquêtes, qui n’hésita pas un instant à reprendre du service. Il réactiva le réseau qui s’était mis en sommeil, et s’attela sans ménager ses efforts à former et à « coacher » de nouveaux candidats-enquêteurs, volontaires pour se rendre sur le terrain. Il choisit cependant une nouvelle fois de prendre ses distances en 1990, préférant seconder Jean Debal (un autre vétéran de la SOBEPS) qui assuma l’interim jusque fin 1993. C’est à ce moment que Jean-Luc quitta définitivement l’asbl. Ca ne l’empêcha nullement de demeurer passionné par le sujet et, sans aucun a priori, de se lancer dans l’exploration de domaines, parfois inattendus, en marge de l’ufologie « classique ». La fonction fut alors assumée pour un temps par Godelieve Van Overmeire. Le réseau des enquêteurs, structuré en chapitres régionaux, s’était entre-temps appréciablement étoffé, comme en témoigne une liste de 80 noms retrouvée dans les archives.
Jean-Luc Vertongen, infatigable provocateur et insatiable curieux aux connaissances encyclopédiques, est resté fidèle à sa conviction intime que les OVNI n’avaient strictement rien à voir avec une quelconque dimension extraterrestre, mais que « quelque chose d’autre » (…) était indubitablement à l’œuvre. Beaucoup lui tiendront rigueur de substituer ainsi un mystère à un autre, une ambiguïté qui ne lui échappait pourtant pas. À chacune de nos réunions au sein de l’ABU (Académie Belge d’Ufologie, très secret cénacle de deux membres, dont l’unique dénomination facétieuse n’avait de cesse de nous esbaudir !), au retour d’emballements quelquefois excessifs et d’incursions en dehors des sentiers battus, Jean-Luc me faisait part de ses doutes profonds et répétés quant à la nature de ce qui se cache derrière l’appellation de phénomène OVNI. Ces sessions s’achevaient à l’accoutumée par un de ses tonitruants et inoubliables éclats de rire, dont plus d’un se souviendront.
Patrick Ferryn
* Petit historique de la création de la SOBEPS
La question m’ayant été fréquemment posée, ce addendum n’a pour autre but que d’apporter un complément d’information sur la genèse de la SOBEPS. Ma curiosité pour ce que l’on appelait alors les « soucoupes volantes » – avant que ne soit adopté l’acronyme OVNI – remonte au début des années 1960. Fin 1965, j’ai rencontré par hasard Jean-Gérard Dohmen, professeur retraité de l’enseignement technique – le pionnier de ufologie belge1 –, qui réunissait régulièrement chez lui une douzaine d’intéressés par l’astronautique et/ou l’astronomie, constituant l’informel « Groupe D », ainsi baptisé en l’honneur de son animateur2. Se souvenant qu’il avait un jour donné une conférence à l’Hôtel de ville de sa commune bruxelloise de Schaerbeek, une certaine Madame Steyaert, qui tenait salon dans une commune avoisinante, l’invita à prendre la parole pour présenter le sujet qui l’occupait aux membres de son petit cercle (« Union dans la lumière »… tout un programme !). C’était courant 1969, au moment où J.-G. Dohmen était immobilisé par la maladie qui devait l’emporter l’année suivante. Ce dernier me proposa donc, non pas de le remplacer et d’exposer ses recherches, mais de faire devant cette audience une brève présentation des activités du Groupe D. Il me faut souligner ici que je me suis toujours tenu à l’écart du cas de George Adamski, ce dont ne prenait aucunement ombrage J.-G. Dohmen, qui s’en accommodait parfaitement. Homme d’une infinie courtoisie et d’une rare ouverture d’esprit, il était de ceux qui appréciaient les objections et encourageaient le débat. Je demeurais néanmoins on ne peut plus intrigué par les observations d’objets volants non identifiés – l’expression commençait timidement à être utilisée – faites dans notre pays et en Europe.
Lors du décès de J.-G. Dohmen, en février 1970, un journaliste bruxelleois, présent à une de ses conférences, se mit en contact avec moi. À l’issue de cet entretien, il rédigea un articulet se terminant par mes coordonnées et la mention d’une Fédération Belge d’Ufologie (FBU), une initiative du Groupe D, peu avant la disparition de son chef de file. La tentative visait à rassembler les quelques personnes concernées de près par le sujet dans notre pays, et à favoriser les échanges de données. Le jour de la parution de l’article, je reçus un appel téléphonique d’un lecteur empressé, tenant absolument à me voir au plus tôt. Il se fit très insistant et convaincant, au point de sauter dans un taxi pour me rendre visite peu après notre conversation. Venant de l’autre bout de la capitale, il débarqua chez moi tardivement dans la soirée. Pendant plusieurs heures, il m’exposa dans les moindres détails son projet de constitution d’une association sans but lucratif, dont les objectifs seraient la collecte des témoignages d’observations d’OVNI en Belgique, leur archivage, et leur mise à disposition de personnes compétentes susceptibles de contribuer à résoudre cette énigme. Il avait déjà couché sur papier toutes les étapes pour y parvenir, ainsi que les formalités administratives à accomplir, et aussi envisagé l’édition d’un bulletin pour diffuser les informations recueillies et informer le public. Ce visiteur enthousiaste, inspiré, organisé et redoutablement persuasif s’appelait Lucien Clerebaut. Nous nous quittâmes quasiment au milieu de la nuit, après qu’il m’eut arraché un accord de principe de collaborer à son ambitieux plan. Sans attendre, Lucien se mit à l’ouvrage, commençant à engager une série de procédures qui conduiraient à la fondation de la future SOBEPS. Il est à noter que la dénomination pressentie était différente, car Lucien avait primitivement imaginé d’appeler le groupement Informespace. C’est donc sous ce nom qu’eut lieu une première présentation officieuse du projet de former l’asbl, devant les membres du petit cercle de Madame Steyaert. L’auditoire – certes fort distingué, mais majoritairement constitué de personnes d’un âge respectable – n’était sans doute pas le lieu le plus propice pour recruter des volontaires, mais à l’issue de la séance, un grand gaillard que des courants favorables avaient amené à se rendre à cette réunion, particulièrement intéressé, résolu et déterminé à en savoir davantage, nous convia, Lucien et moi, à poursuivre la discussion dans une taverne proche, où – une fois de plus – nous nous séparâmes à une heure peu raisonnable. Nous venions de rencontrer Jean-Luc Vertongen.
La plupart se souviendront de lui comme responsable du réseau des enquêteurs de la SOBEPS, une tâche qu’il avait de façon toute informelle prise à bras le corps dans les premiers temps qui avaient suivi la création de l’association*. Avec Michel Bougard (son président de 1976 à fin 2007), il mit au point le Guide de l’Enquêteur, un manuel de 40 pages présenté pour la première fois dans le numéro 11 de la revue Inforespace (1973), qui servira longtemps de modèle à plusieurs groupements ufologiques. À partir de 1977, le nombre d’observations se réduisant de manière significative, le réseau des enquêteurs se désagrégea peu à peu. Jean-Luc démissionna une première fois en 1981. Huit années plus tard, dès le lendemain de l’annonce d’événements singuliers du côté d’Eupen, en date du 29 novembre 1989, Lucien Clerebaut rappela l’ancien responsable des enquêtes, qui n’hésita pas un instant à reprendre du service. Il réactiva le réseau qui s’était mis en sommeil, et s’attela sans ménager ses efforts à former et à « coacher » de nouveaux candidats-enquêteurs, volontaires pour se rendre sur le terrain. Il choisit cependant une nouvelle fois de prendre ses distances en 1990, préférant seconder Jean Debal (un autre vétéran de la SOBEPS) qui assuma l’interim jusque fin 1993. C’est à ce moment que Jean-Luc quitta définitivement l’asbl. Ca ne l’empêcha nullement de demeurer passionné par le sujet et, sans aucun a priori, de se lancer dans l’exploration de domaines, parfois inattendus, en marge de l’ufologie « classique ». La fonction fut alors assumée pour un temps par Godelieve Van Overmeire. Le réseau des enquêteurs, structuré en chapitres régionaux, s’était entre-temps appréciablement étoffé, comme en témoigne une liste de 80 noms retrouvée dans les archives.
Avril 1970 : nouvelle présentation du projet d’un organisme belge d’étude des OVNI, constitué en association structurée et reconnue par la loi, devant les membres du BUFOI, à Anvers, le groupement dirigé et animé par May Morlet-Flitcroft, principalement dévolu à la promotion des idées et des écrits du contacté américain George Adamski3. Entre-temps, l’appellation Informespace ayant donné lieu à discussion, nous optâmes plutôt pour SOBEPS (Société Belge d’Etude des Phénomènes Spatiaux). Il fallu une année supplémentaire et maintes réunions préparatoires pour établir au mieux son acte de constitution, désigner les administrateurs, répartir les charges et les responsabilités, sérier et fixer les objectifs, songer aux différentes activités à mettre sur pied pour assurer le bon fonctionnement de l’association, appeler à la rescousse l’un ou l’autre ancien du Groupe D, ou chercheur indépendant, rassembler de nouvelles recrues désireuses de participer à l’aventure, et aussi pour apprendre à se connaître afin d’oeuvrer ensemble de manière optimale. Enfin, le 28 avril 1971, les statuts en bonne et due forme furent déposés au Moniteur belge, où ils parurent en date du 20 mai suivant. La SOBEPS était née. Quant au premier numéro de la revue – en fin de compte rebaptisée Inforespace –, il sortit peu avant les fêtes de fin d’année, mais millésimé 1972. Le nombre de collaborateurs de l’asbl, tous bénévoles, s’élevait à ce moment à 37.
PF
- Auteur du livre « À identifier – le cas Adamski », édité et publié à titre posthume par son fils Guy Dohmen, éditeur, Travox, Biarritz, 1972. ↩
- Certains de ses membres (Louis Musin, Maurice De San, Jean Debal, Gustave Becq, Paul Labar, Jacques Bonabot…) furent de la première équipe qui participa à la création de SOBEPS. Roger Lorthioir, le plus ancien collaborateur de J.-G. Dohmen, préféra poursuivre de son côté, tentant de rallier quelques adeptes sous la bannière de la FBU. ↩
- Pour ceux qui s’en étonneraient, il faut préciser qu’à l’époque, ces quelques rares cercles confidentiels étaient les seuls lieux susceptibles de rassembler des intéressés de tendances extrêmement diverses, où nous pouvions espérer trouver des personnes désireuses d’envisager une approche autre du phénomène OVNI. Franck Boitte figura parmi ses membres, jusqu’à ce qu’il quitte ce groupement devenu cultiste, et rejoigne la SOBEPS en 1972, pour devenir un de ses enquêteurs de premier plan. Gérard Landercy, autre transfuge du cercle anversois, contribua lui aussi à la création de la SOBEPS. L’ufologue belge Marc Hallet fréquenta également le BUFOI, avant de reconsidérer de manière critique l’affaire Adamski, de réfuter totalement les propos de son instigateur, jusqu’à dénoncer l’escroquerie dans plusieurs de ses publications. ↩